Autisme et Dissociation

Traduction de la vidéo

Bonjour et bienvenue sur une nouvelle vidéo de la clinique CTAD.
Je suis le docteur Mike Lloyd et je suis le directeur de la clinique [consultant, psychologue clinicien].

Aujourd’hui, nous allons aborder un point que beaucoup de gens m’ont rapporté en séance, mais aussi dans les commentaires de la chaîne YouTube : le lien entre l’autisme et la dissociation.

En me penchant dessus, j’ai réalisé que c’était un sujet très vaste, qui intéresse beaucoup de gens et je ne pense pas que je réussirai à tout couvrir en une seule vidéo. Je développerai sûrement une petite série de vidéos. Aujourd’hui, je vais tenter d’introduire le sujet, puis je créerai de nouvelles vidéos.

J’ai aussi demandé aux gens sur Twitter de me poser les questions qu’ils voudraient voir abordées, beaucoup ont été très gentils et m’ont donné plusieurs questions sur ce sujet. Si vous ne l’avez pas encore vu, rendez-vous sur le Twitter qui se trouve à @DrMikeLloyd. Jetez un œil aux questions et voyez si vous voudriez avoir des réponses ! Vous pouvez aussi mettre vos propres questions dans la partie commentaires de cette vidéo.

La première question qu’on me pose souvent est : puis-je être autiste et avoir un trouble dissociatif ? Ça arrive de temps à autre, avec les gens qui ont un diagnostic de trouble dissociatif de l’identité, d’autre trouble dissociatif : peuvent-ils avoir les deux ?

La réponse simple – et ça pourrait être là où vous allez arrêter de regarder la vidéo – est oui, évidemment ! N’importe qui peut être autiste et avoir un trouble dissociatif. L’autisme n’exclut pas la possibilité d’avoir un autre trouble, pas plus que la dissociation, donc les deux peuvent être présent en même temps, avec n’importe quel autre trouble : du trouble obsessionnel-compulsif au diabète, en passant par l’arthrite rhumatoïde. Vraiment, ça ne fait aucune différence. Ce ne sont pas des diagnostics qui arrivent seuls. Beaucoup de gens sont autistes et ont plein d’autres diagnostics liés à la santé physique et mentale ; et avec la dissociation, beaucoup de gens ont un trouble dissociatif combiné à d’autres troubles physiques et mentaux.

Ça peut être intéressant de regarder d’autres chaînes YouTube et d’autres blogs où des gens parlent de leur propre expérience avec l’autisme et la dissociation, comme le TDI.

Pour ce genre de chose, l’expertise par expérience est très importante. Je suis un clinicien, je parle d’un point de vue clinique. Les opinions que je vais développer dans mes vidéos ne sont pas liées aux recherches scientifiques – surtout qu’il n’y a pas beaucoup de recherches sur l’autisme et la dissociation. Mais je vais vous parler de ma propre expérience clinique, en séance de thérapie, avec des gens que j’ai accompagnés, qui sont autistes et ont un trouble dissociatif.

Je pense qu’il y a trois points sur lesquels on devrait se concentrer quand on regarde l’autisme et la dissociation :

1) L’autisme peut rendre une personne plus vulnérable aux évènements traumatiques.

Ce que cela signifie, c’est qu’on a plus de chance de voir des gens qui se trouvent sur le spectre autistique avec des symptômes dissociatifs que ce qu’on pourrait croire. Cela provient de la nature de la dissociation, elle est déclenchée par des traumas et beaucoup de gens autistes sont vulnérables aux traumas.

Si on se penche seulement sur l’école, une chose que beaucoup de personnes autistes vivent, c’est d’avoir été harcelé, mis de côté, que l’école a été quelque chose de très difficile à vivre. Et quand on y réfléchit, la période scolaire commence vers l’âge de 4 ans, jusqu’à 18-21 ans. Il est totalement probable que la personne ait eu de grandes difficultés dans leur groupe d’amis, l’encadrement familial, etc. et ce pendant des années. Ces traumas peuvent provenir du harcèlement, du manque de compréhension de l’entourage, d’avoir un sens de soi qui se développe tout en ayant l’impression de n’appartenir à aucun groupe social ; tout ça peut être traumatique si on pense en termes d’attachement – ça peut être traumatique si l’attachement ne se forme pas correctement.

Si on regarde le travail de Jonh Bowlby et Mary Ainsworth, la théorie de l’attachement, les systèmes d’attachement sont extrêmement importants dans notre compréhension de nous-même et notre capacité à fonctionner dans notre environnement. Si vous êtes autiste, ces systèmes d’attachement peuvent être très difficiles à développer de la bonne façon, à comprendre ; ou ça peut être difficile pour les autres, qui regardent cette personne, de comprendre ce qui se passe chez elle. Beaucoup de gens autistes sont rejetés très tôt dans leur vie et ce rejet est traumatique pour beaucoup d’entre eux.

Donc oui, le premier point est que l’autisme signifie que la personne est plus vulnérable aux traumas à des stades de développement très précoces : dès le moment où elle entre à la garderie ou à la maternelle, vers 3, 4 ou 5 ans. Ce sont des moments-clefs dans le développement du cerveau et si les systèmes d’attachement de la personne ne sont pas bons, ne sont pas sains, ne sont pas productifs et ne permettent pas le bon développement du sens de soi, alors la personne pourra développer un attachement traumatique massif quel que soit son environnement. Ce qui nous mène au second point…

2) L’autisme donne l’impression que la vie quotidienne est confuse et imprévisible.

Le monde n’est pas fait pour les gens qui sont autistes, le monde est fait pour les gens neurotypiques. La façon dont les choses sont mises en place sous-entend une bonne intuition sociale et une bonne compréhension de l’environnement social. Or, les gens autistes trouvent ce genre de choses très compliqué. Donc en lui-même, le monde qui n’est pas traumatique pour une personne neurotypique peut être traumatique pour une personne autiste. Presque toutes les interactions sociales peuvent être source de confusion, être perçues comme imprévisibles et être anxiogènes.

Si on se penche sur les troubles dissociatifs, des troubles comme la déréalisation, la dépersonnalisation, ce sentiment d’être désynchronisé de son environnement, quand une personne a vraiment l’impression de ne pas appartenir à cet environnement, que les gens autour d’eux sont d’une réalité différente – ce sont des vécus de dépersonnalisation. La personne n’a pas l’impression d’appartenir à ce monde ou que le monde autour d’elle n’a pas la bonne forme, la bonne atmosphère, les bonnes couleurs – c’est de la déréalisation.

Cela pourrait se déclencher facilement juste en vivant une vie quotidienne que nous, personnes neurotypiques, considérons comme allant de soi, alors qu’elle est potentiellement source de confusion et vécue comme imprévisible et traumatique [par les personnes autistes]. On ne cherche pas forcément des violences extrêmes, il suffit de voir que les personnes autistes ont une vie extrêmement difficile, doivent faire avec des embûches qu’aucun d’entre nous ne peut réellement comprendre.

[ A l’écran : la dissociation n’est pas obligatoirement liée à des violences ]

Si cette personne vit ces évènements comme des évènements difficiles, qu’ils deviennent de plus en plus compliqués à gérer et qu’ils se produisent tous les jours, alors oui : c’est une prédisposition au trauma pour les personnes autistes.

3) L’autisme peut rendre plus difficile la présence d’un réseau de soutien.

Une des façons dont les gens gèrent un événement traumatique, peuvent développer de la résilience face au trauma, c’est en se tournant vers leur réseau de soutien, leurs ressources de la vie quotidienne. Les personnes autistes peuvent se sentir en marge de la vie, qu’elles n’appartiennent pas au monde, à aucun groupe d’amis, et elles n’ont souvent pas la capacité à articuler leurs propres émotions pour comprendre ce qui se produit en elles-mêmes.

Si une personne neurotypique vit un événement très difficile et qu’elle a des ressources autour d’elle, qu’elle a des amis, des professeurs, des parents, des oncles, des tantes, des frères et des sœurs ; qu’elle a des personnes autour d’elle à qui elle peut parler de ce qui se passe, ils pourront ensuite l’aider.

Une personne autiste peut ne pas complètement être en mesure de comprendre ce qu’elle vit. Le problème devient alors de trouver les bons mots pour interpréter les émotions qu’elle ressent dans sa tête et dans son corps, et pouvoir les transmettre aux autres de façon compréhensible, de façon à recevoir de l’aide.

[ A l’écran : l’autisme peut aussi vouloir dire qu’interpréter et exprimer ses émotions est difficile. ]

La probabilité que ces évènements cessent de se produire est faible, à cause de la façon dont le cerveau s’est développé. L’autisme, en quelque sorte, empêche la personne de réellement comprendre ce qu’elle vit au niveau émotionnel. Elle a un panel d’émotions complet, mais ses capacités à les analyser, les interpréter, leur donner du sens, y réfléchir, les partager avec les autres, à se tourner vers les autres pour avoir un retour sur ce qu’elle vit peut être compromis à cause de l’autisme.

Ces trois points combinés augmentent les risques que l’autisme et la dissociation se retrouvent ensemble. Il n’y a pas besoin que les traumas proviennent de violences, de maltraitances, ils peuvent provenir simplement de la vie quotidienne. Je pense que si nous arrivons à comprendre ça, on réalise ensuite que beaucoup de gens qui ont des traumas complexes, des symptômes dissociatifs, peuvent être autistes. Bien sûr qu’ils peuvent !

Dans ma pratique clinique, je suis surpris par le nombre de personnes qui sont référées à la clinique CTAD qui ont un co-diagnostic de trouble du spectre de l’autisme. Elles viennent avec leur trauma, leur dissociation, et dans le fond, il y a leur autisme. D’ailleurs, même quand la personne n’est pas diagnostiquée, c’est facile à remarquer. Il est possible de commencer à travailler avec quelqu’un et de réaliser rapidement qu’il y a un fort degré d’autisme dans la façon dont cette personne gère sa vie quotidienne.

Je dirais que dans ma pratique de tous les jours, en travaillant avec des gens ayant une grande variété de troubles mentaux, je ne croise pas énormément de personnes autistes. Dans la clinique CTAD, quand je travaille dans le champ spécialisé de la dissociation, je croise énormément de personnes autistes.

Ce sont des estimations, je n’ai pas encore eu l’opportunité de creuser plus en avant et de vérifier s’il y a eu des recherches à ce sujet, mais le coup d’oeil que j’ai jeté m’a laissé le sentiment qu’on ne sait presque rien des taux de prévalences qui permettraient de comprendre la dissociation et l’autisme. On a de bons taux de prévalences pour des sujets comme « l’autisme dans la population générale », mais le mélange des deux ? Je ne pense pas qu’on le comprenne encore vraiment et je pense que les résultats seraient surprenants.

J’espère que cette vidéo d’introduction vous aidera, que vous soyez une personne ayant un trouble dissociatif, une personne autiste ou un thérapeute travaillant avec ces troubles. Je pense que c’est le début d’une conversation sur la nature de ces deux entités arrivant en même temps, ainsi qu’un nouveau niveau de compétences pour les thérapeutes et les services cliniques, d’être capables de s’adapter à la nature des deux troubles.

Il n’est pas bon de dire « je voudrais vous accompagner pour la dissociation, mais je ne peux pas, parce que je n’ai aucune expérience avec l’autisme. » Nous devons devenir plus performant dans ce domaine et je pense qu’avoir des thérapeutes et de cliniciens capables de travailler avec les deux, de les combiner, de travailler avec les deux ensemble serait très utile.

J’espère vraiment que cette vidéo vous a été utile, n’hésitez pas à laisser un commentaire et les questions que vous voudriez voir abordées dans la section commentaire. Je ferai de mon mieux pour les intégrer à mes futures vidéos. Et, comme toujours, likez et abonnez-vous pour plus de contenu de la clinique CTAD !

Je vais faire de mon mieux pour créer une nouvelle vidéo sur le sujet rapidement et, en attendant, prenez bien soin de vous.

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