Résumé « Maltraitance infantile et comportements suicidaires chez les adultes avec TDAH »

Auteurs : Feride Yildirim et Mihriban Dalkiran


Référence :
Yildirim, F., & Dalkiran, M. (2022). Childhood maltreatment and suicidal behavior among adults with attention deficit hyperactivity disorder. Medicine Science | International Medical Journal, 11(3), 1217. https://doi.org/10.5455/medscience.2022.04.098

Introduction

Les auteurs commencent leur article avec la mise en évidence du lien entre le Trouble du Déficit de l’Attention avec Hyperactivité (TDAH) et la maltraitance infantile. Ils regroupent tous les types de violences sous la définition de « maltraitance », qu’elles soient exercées par un parent ou bien par n’importe quel autre adulte faisant partie de l’entourage de l’enfant.

Ainsi, la violence et la négligence émotionnelles se retrouvent fréquemment dans le passé des personnes diagnostiquées TDAH qui ont toujours des symptômes envahissants à l’âge adulte. Lorsqu’on se penche sur l’intensité des symptômes du TDAH, on peut également remarquer que ceux-ci sont beaucoup plus présents chez les gens qui ont vécu de la violence physique que chez ceux qui n’ont subi aucune maltraitance.

Les auteurs mettent aussi en évidence le lien entre la maltraitance infantile et le risque suicidaire, ainsi que le lien entre le risque suicidaire et la présence de symptômes du TDAH. De fait, ¼ des enfants ayant des comportements suicidaires remplissent les critères de diagnostic du TDAH, plus de 50% des adolescents avec TDAH ont des idées suicidaires, tout comme 1/3 des adultes avec TDAH.

Cependant, la recherche a du mal à mettre en lumière le lien de cause-à-effet. Une partie des études faites suggère que ce seraient les symptômes du TDAH qui seraient responsables de l’apparition des idées suicidaires, tandis qu’une autre partie fait plutôt un lien indirect entre TDAH, idées suicidaires et présence de troubles comorbides.

C’est à la suite de ces constats que les auteurs ont décidé de se pencher plus en détail sur le lien entre maltraitance infantile, risque suicidaire et TDAH.

Méthodes

L’étude a été réalisée sur six mois, avec 104 patients (43 femmes et 61 hommes). L’âge des patients allait de 18 à 55 ans, avec une moyenne de 25.13 ans. Chacun a été diagnostiqué avec un TDAH important, selon les critères du DSM-V.

Parmi les outils utilisés, on retrouve :

  • Le SCID-5, pour le diagnostic de TDAH et l’identification des comorbidités éventuelles.
  • La Self-Rating Questionnaire for Suicidal Ideation (SIQ) et la Suicidal Behavior Scale (SBS) pour évaluer les idées et comportements suicidaires.
  • La ADHD Self-Report Scale, pour l’évaluation des symptômes de TDAH.
  • Les Beck Depression Inventory (BDI) et Beck Anxiety Inventory (BAI) pour évaluer les symptômes dépressifs et anxieux.
  • Le Childhood Trauma Questionnaire (CTQ) pour évaluer la présence de différents types de violences durant l’enfance.
  • La Dissociative Experiences Scale (DES) pour évaluer la présence de symptômes dissociatifs.

Les participants ont ensuite été répartis en deux groupes selon leur score au CTQ : un groupe considéré comme ayant un score significativement élevé sur le plan de la maltraitance infantile (MI+) et un second groupe avec un score ne dépassant pas la valeur seuil, considéré comme « groupe contrôle » (MI-). Néanmoins, il est important de noter que 67.3% des participants ont rapporté au moins un type de violence arrivé durant leur enfance.

Résultats

Pour ce résumé, nous ne retiendrons que deux données importantes :

  • 9.6% des participants ont fait au moins une tentative de suicide. Le nombre de participants ayant fait au moins une tentative est plus élevé chez le groupe MI+ (12,9%) que chez le groupe MI- (2.9%). Les moyens utilisés sont variés (overdose, défenestration, arme blanche…), mais un seul patient avait planifié sa tentative. Toutes les autres étaient spontanées.
  • 39.4% (41 patients) ont au moins un trouble comorbide. Dans ce groupe ayant au moins un trouble cormobide, presque un quart (24.4% – 10 patients ; 9.6% du total des participants) ont plus d’une comorbidité. Les troubles comorbides les plus présents sont : trouble dépressif majeur, divers troubles anxieux et divers troubles du comportement alimentaire.

Limites et discussion

Les auteurs relèvent plusieurs limites à leur étude, notamment : le faible nombre de participants dans les statistiques liées au suicide et l’absence de prise en compte des effets des traits de la personnalité.

Notre équipe de rédaction souligne également l’absence d’exploration des symptômes dissociatifs et traumatiques à l’aide d’outils plus précis que la DES. En effet, les scores à la DES des participants allaient de 1 à 87, avec un score médian de 20 pour le groupe MI+. Ces scores sont bien au-dessus des scores minimums au-delà desquels il est recommandé d’utiliser un outil diagnostic pour vérifier la présence d’un trouble dissociatif ou d’origine traumatique (25 pour un trouble dissociatif simple, 30 pour un TD complexe ou un TSPT, 40 à 50 pour un TDI ; traduction française de la DES développée par l’Institut Romand de Psychotraumatologie). De fait, il est fortement possible qu’une partie des comorbidités n’ait pas été explorée.

Néanmoins, cette étude permet de formuler l’idée que les patients avec TDAH qui ont vécu de la maltraitance infantile sont plus sujets à la dépression, l’anxiété, la dissociation, ont des idées suicidaires plus fréquentes et des comportements suicidaires plus extrêmes.

Concernant la planification des tentatives de suicide, il ne semble pas avoir de différence significative entre les deux groupes. Cela pourrait venir du nombre restreint de participants dans cette catégorie, mais également de l’impulsivité propre au TDAH. Cette seconde idée est soutenue par d’autres recherches, qui ont déjà montré que les comportements impulsifs chez les patients avec TDAH sont fortement liés au nombre de tentatives de suicide et de comportements d’automutilation.

Cette étude permet aussi de mettre en évidence que les seuls prédicteurs des comportements suicidaires semblent être la présence d’idées suicidaires et le fait d’avoir subi de la violence émotionnelle. Toutes les autres variables (âge, sévérité des symptômes de TDAH, comorbidités, etc.) n’ont pas pu être directement mises en lien avec les comportements suicidaires. Cela va dans le sens d’autres études plus générales, qui ont montré le lien entre les différents types de violence et le risque suicidaire.

Conclusion

La présence de maltraitances durant l’enfance est commune chez les adultes avec TDAH. La violence émotionnelle et les idées suicidaires sont des prédicteurs forts du risque de passage à l’acte. De plus, les symptômes du TDAH (comme l’impulsivité) peuvent autant être la cible de comportements maltraitants de la part de l’entourage, qu’à l’origine de la mise en acte des idées suicidaires.

Ainsi, les auteurs insistent sur l’importance d’évaluer la présence de violences et négligences émotionnelles chez les adultes avec TDAH. Ce dépistage systématique permettra une meilleure prévention et prise en charge du risque suicidaire chez cette population de patients.

Notre équipe aimerait également insister sur l’importance de dépister la présence de troubles dissociatifs chez ces patients. Ces troubles à eux seuls sont connus pour leur fort taux de tentatives de suicides (67% des patients avec un TD ont tenté de se suicider au moins une fois ; ISSTD, 2011) et les troubles dissociatifs en tant que comorbidités sont considérés comme un facteur de risque de récidive lorsqu’une première tentative de suicide a déjà été faite (Foote et al., 2008).

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