Les parts persécutantes – La place de l’entourage

Note
Cet article fait partie d’une série. La bibliographie de cette série est disponible à la fin de son introduction.

Dans la mesure où nos explications se veulent concerner autant les troubles dissociatifs simples que les troubles dissociatifs complexes, nous avons choisi d’utiliser le terme générique de « part dissociée ».

Introduction

Beaucoup de protecteurs sont méfiants à l’égard des personnes extérieures. Les parts persécutantes ne font pas exception à la règle et peuvent représenter un vrai défi dans l’établissement et le maintien d’une relation. Dans cet article, nous allons nous centrer sur les relations amicales et amoureuses, mais les points développés valent pour tous types de relation : parent, enfant, fratrie, collègue de travail, etc.

Les raisons justifiant leur méfiance sont variées, mais on en retrouve souvent trois :

  • La première, c’est que les parts persécutantes ont souvent associé la proximité émotionnelle avec le fait d’être exploité, blessé et trahi. Elles ont beaucoup de mal à croire qu’une personne puisse être sincèrement gentille et peuvent tenter de la pousser à « révéler son vrai visage » ou la garder à distance en adoptant des comportements extrêmes.
  • La seconde, c’est la volonté de perpétuer les règles mises en place par les agresseurs. Si la personne était limitée dans son droit à entrer en relations avec les autres, par exemple si elle n’avait pas le droit d’être proche de personnes de sexe opposé, il est possible qu’une part persécutante sabote les relations amicales, amoureuses et professionnelles dès que celles-ci déclenchent ses traumas dans ce domaine.
  • La dernière, c’est le sentiment que la personne est en sécurité uniquement si le « Secret », celui des violences et du trouble dissociatif, est préservé. Une part persécutante pourrait ainsi saboter une relation ou devenir agressive sitôt qu’elle a la sensation que l’autre essaie d’en savoir plus, se doute de quelque chose ou dès qu’une autre part commence à se confier.

Les interactions entre vous et la part persécutante

Côtoyer une personne qui a une part persécutante qui cherche à protéger le système du monde extérieur peut être délicat. Il est impératif de les accueillir comme les autres parts, avec bienveillance et respect, ce qui va vous demander de bonnes capacités à rester ancrer, à garder conscience des émotions qui se jouent en vous et chez l’autre, ainsi qu’à communiquer de manière non violente.

À cause des conflits entre ses parts, la personne dissociée pourra avoir des comportements contradictoires. Elle pourrait connaître de brusques changements d’humeur, en réaction à des déclencheurs qui ne sont pas toujours facilement identifiables, même pour elle. Si vous ne comprenez pas une de ses réactions, attendez qu’elle se calme, puis demandez-lui ce qui s’est passé et écoutez-la sans la juger. Cela vous permettra d’essayer de démêler la situation de manière plus saine. À noter tout de même que beaucoup de personnes dissociées ont du mal à accepter leur propre incohérence et à réfléchir dessus sans l’aide d’un thérapeute. Si votre ami(e) n’est pas capable de vous répondre, ce n’est donc pas contre vous, c’est son trouble qui l’en empêche.

Ne cherchez pas à attribuer un comportement à une part en particulier. Certaines parts pourraient se sentir accusées ou menacées, surtout si le « Secret » est important pour elles. De plus, si vous vous trompez, les parts accusées à tort pourraient en conclure que vous ne les aimez pas et se sentir rejetées, ce qui augmenterait le niveau de tension déjà présent.

Aussi, une personne dissociée garde tout de même une certaine unité. Même chez quelqu’un qui a un TDI avec beaucoup d’amnésie, tout ce que vous dites peut potentiellement être entendu par n’importe quelle part, même celles qui ne sont pas au contrôle du corps. Cela veut également dire que le comportement de la personne, même s’il a été agi par une part spécifique, a été inconsciemment jugé « suffisamment acceptable » au niveau global pour pouvoir être exprimé (voir l’article sur la responsabilité partagée). Chercher à savoir quelle part précisément est responsable n’a donc que rarement de pertinence.

Il est également très important que vous posiez vos limites, que vous préveniez ce que vous jugez inacceptable et que vous communiquiez au sujet des conséquences qui suivront. Attention, ici nous parlons bien de comportements qu’ont les parts vis-à-vis de vous, pas les comportements qu’elles ont entre elles ! Ce n’est pas à vous de poser des limites et de définir des conséquences au sujet de comportements qui ne vous concernent pas.

Comme abordé dans la partie sur le travail avec les persécutants, il ne s’agit pas de punir la part en question, mais de vous protéger. Par exemple, si un protecteur devient agressif verbalement, vous pouvez lui dire que vous ne participerez plus à la conversation tant qu’il vous insultera. Une fois qu’il sera calmé, s’il est d’accord, essayez de comprendre ce qui s’est passé et de réfléchir ensemble à des alternatives pour qu’il puisse s’exprimer sans violence.

De manière générale, ne permettez jamais à une part d’utiliser la violence contre vous, quel que soit le type de violence dont il s’agit. Si le comportement d’une part impacte votre santé mentale ou physique, vous avez le droit de prendre vos distances avec la personne entière. C’est difficile, mais les actes d’une part reflètent au moins en partie l’état de la personne entière et c’est au système d’apprendre à se gérer (on en revient à la responsabilité partagée). Respectez vos capacités et vos limites, ne jouez pas au thérapeute, au parent ou au sauveur, ne vous sacrifiez pas pour eux en donnant plus que vous ne le pouvez. Ce n’est rendre service à personne que de faire ça.

Les personnes avec un TDI ont souvent vécu des choses très difficiles et de la négligence importante. Vous ne pourrez pas combler la totalité de ces besoins dont personne n’a prit soin. Vous pourrez aider votre ami(e) à en combler une partie, à faire le deuil du reste, mais n’essayez pas de « réparer le passé » à tout prix. Vous finirez épuisé bien avant d’avoir réussi. Après tout, le passé est passé.

Les relations entre vous, le système et la part persécutante

C’est tout aussi délicat de faire partie de l’entourage d’une personne qui a une part persécutante qui fait du mal aux autres parts. Une chose important à se rappeler est qu’il ne faut pas céder à la tentation de « choisir un camp » : ces parts font partie de la personne que vous aimez, vous ne pouvez pas accepter la moitié de la personne et rejeter l’autre moitié.

C’est d’autant plus vrai que ces parts qui composent l’autre moitié de la personne, elles lui ont sauvé la vie et continuent d’essayer de lui sauver la vie. Elles s’y prennent potentiellement très mal (au moins en apparence), mais c’est une manière qui a fonctionné par le passé. Chaque part fait du mieux qu’elle peut avec ce qu’elle a comme ressources. Quoi que vous pensiez du comportement d’une part envers une autre, vous n’avez pas à juger et prendre parti.

De plus, les repousser elles spécifiquement pourrait venir renforcer les conflits internes au sein du système et sérieusement entraver son fonctionnement. Pour certaines parts, se voir mises de côté pourrait aussi rappeler le comportement de l’agresseur, qui ne voulait voir que les aspects de son enfant qui le satisfaisaient – qui n’acceptait ni sa douleur, ni sa colère. Ça peut être déclenchant, voire retraumatisant. Dans l’esprit des parts persécutantes et de certaines parts vulnérables, vous pourriez vous retrouver associé à l’image de l’agresseur du passé. Les parts vulnérables que vous souhaitez protéger pourrait également avoir peur d’être rejetées à leur tour si elles se mettaient à avoir un comportement qui ne vous plaît pas.

Le fait de représenter un élément neutre dans les conflits internes qui agitent la personne pourrait être frustrant pour certaines de ses parts ; d’autres pourraient ne pas comprendre comment vous arrivez à compatir avec elles et aussi à compatir avec les persécutantes. C’est normal, la dissociation les empêche de se comprendre les unes les autres. Il est donc vraiment important que vous leur fassiez comprendre que vous ne participerez pas aux luttes internes. Vous êtes l’ami(e) de chacune d’entre elles, vous êtes capable d’écouter et de compatir avec les difficultés de chacune, vous ne pouvez pas prendre parti.

Conclusion

La plupart des personnes avec un trouble dissociatif arrivent à contenir leurs parts persécutantes dans leurs relations de tous les jours. Néanmoins, lorsque les relations sont (ou deviennent) plus intimes, le nombre de déclencheurs potentiels augmente également. Même si la personne arrive à développer quelques relations intimes satisfaisantes, ça peut être un vrai défi que de les maintenir stables.

En tant que proche d’une personne avec un trouble dissociatif, il est important que vous soyez conscient de vos limites, que vous les communiquiez, que vous traitiez chaque part avec la même bienveillance et le même respect, et que vous ne preniez pas parti dans les conflits internes. Vous pouvez compatir aux difficultés que posent les autres parts, mais il est important de ne pas perdre votre compassion envers elles et (si les autres parts de votre ami(e) sont d’accord) de la communiquer : même si elles ne sont pas au contrôle, les parts qui causent des problèmes vous écoutent, elles aussi.

Vous ne devez pas tolérer les comportements violents sous prétexte que c’est telle ou telle part qui a agi et pas les autres. Votre sécurité physique et mentale sont importantes, tout comme le principe de responsabilité partagée doit l’être pour votre ami(e). C’est de votre responsabilité d’assurer votre protection, tout comme c’est de la responsabilité de votre ami(e) de faire ce qu’il faut pour ne pas représenter un danger pour les autres.

Si jamais vous vous sentez en capacité d’aider, demandez aux parts ce que vous pouvez faire pour les assister et simplifier leurs relations. Parfois, le fait d’avoir quelqu’un vers qui se tourner quand la pression devient trop forte peut grandement aider une part persécutante – cela demande cependant d’avoir d’abord réussi à gagner sa confiance. Restez conscient des limites à ne pas dépasser : n’essayez pas de sauver votre ami(e), de prendre le rôle de Chevalier blanc ou de « réparer le passé » à tout prix. Ce ne sont pas des attitudes adaptées. Votre ami(e) a su s’en sortir sans vous jusque-là, c’est une personne adulte, vous devez respecter ça. Autremment, vous finirez par devenir un déclencheur pour les parts protectrices.

Enfin, si vous en ressentez le besoin, n’hésitez pas à vous rapprocher vous aussi d’un psychothérapeute spécialisé dans les troubles dissociatifs. Les psychologues ne sont pas là que pour les patients, mais également pour leur entourage.

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